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CFA-ECO : Pourquoi ne nous écoutent-ils pas ?

23 juin 2020

Le 20 mai 2020, le gouvernement français fait voter par son parlement une loi censée mettre fin au Franc CFA. À un moment où les interactions entre les peuples étaient réduites à leur minimum et l’Europe semble ne pas avoir fini avec la crise du Coronavirus et ses conséquences, le vote de cette loi, qui pour le moins ne paraissait pas si urgent (vu les circonstances), nous interpelle et soulève tout un tas de questions [ A moins que la période ait été choisie exprès ].
Ces questions sont de plusieurs ordres et se justifient au regard de l’attitude cavalière et singulière des leadeurs francophones d’ Afrique de l’Ouest qui semblent ne pas vouloir entendre les désapprobations de leurs voisins anglophones. Le flou subsiste autour de ce projet “Eco bis” et nourrit le soupçon sur de potentielles retombées qui expliqueraient l’empressement et l’intérêt soudain que semble porter la France à ce projet.
Bien maligne serait cette jeunesse ouest-africaine qui pourra dire qu’elle comprend tous les contours de cet accord annoncé en grande pompe par Macron et Ouattara.
Dans cette marche forcée et et presque têtue vers une réforme monétaire peu voulue, en la forme, par les vrais concernés, les réelles motivations restent toujours un mystère.
Vivons-nous dans des républiques où seuls quelques dirigeants détiennent la connaissance suprême ? Pourquoi le destin de nos économies doit-il être scellé par le parlement français et non pas par le peuple, premier concerné et affecté par les décisions qui se prennent par quelques-uns? Il parait donc tout à fait légitime de se demander : “et pourquoi ne veulent-ils pas réellement écouter le peuple ?”.
Sans vouloir revenir sur la longue liste de reproches faits au système du franc CFA, je m’attarde ici simplement sur deux d’entre eux, qui ont particulièrement retenu mon attention.

Des discussions avec quelques jeunes des pays concernés deux ressentiments reviennent souvent.

Le premier est lié à l’impression qu’ont les habitants des pays concernés d’être dépossédés de leur souveraineté monétaire. Ce sentiment va de pair avec un sentiment de non indépendance économico-politique de nos pays, ainsi que celui d’un aveu (non avoué ou prétendu) d’incapacité des nombreux économistes ouest-africains à gérer de façon autonome et indépendante une monnaie. Les peuples se disent être dépossédés du pouvoir de décider ou tout au moins de se faire entendre sur l’un des attributs les plus intrinsèques ou fondamentaux de toute nation: sa monnaie. Ce sentiment va de pair avec celui d’un peuple qui depuis longtemps ne se retrouve pas dans les décisions prises par des dirigeants pour qui il a pourtant voté au nom de pseudo-démocraties. A quoi sert donc la démocratie quand elle ne nous écoute pas et nous dépossède de nos droits les plus fondamentaux.

Secundo, les habitants ont l’impression que le Franc CFA constitue un handicap au développement des pays concernés. Et même si sur ce plan le débat reste ouvert, ce sentiment ne semble pas dépourvu de toute vraisemblance. Cela est d’autant plus vrai que l’encrage d’une monnaie à une autre devrait se faire en prenant en compte des considérations allant au-delà de la simple stabilité de la monnaie. Aussi, une telle décision ne devrait nullement se baser sur l’existence de liens (post-)coloniaux, ou sur la volonté d’une partie d’écouler facilement ses produits tout en ayant accès à la matière première sans risque de change. Mettre en liaison des économies dont les structures semblent être complètement différentes et ne suivant pas les mêmes cycles économiques ne semble pas être une bonne idée. Aussi la mise en place de critères copiés des pays européens tels que des objectifs de taux d’inflation très ou trop bas pourrait constituer un handicap pour la croissance des pays sous-développés comme les nôtres. Les effets néfastes dans ces pays sont évidents et sont, entre autres, l’accès limité au crédit ainsi que le coût élevé de celui-ci. Cette liste de reproches reste non exhaustive. Mais la grande question qui se pose est de savoir si la réforme monétaire du franc CFA proposée permet de régler tout au moins les deux reproches sus-évoqués. La réponse reste bien évidemment négative. Soit!
Quels sont donc les tares du franc CFA que "l’Eco bis" règle?
Aucun dirai-je sans aucun risque de me tromper.
Je me ferai le plaisir de m’expliquer dans mes prochaines chroniques.

En attendant, dites-moi, quelle est votre position sur le sujet ?

Signé,
Alexandrov Sachs Semanou.
Doctor in Economics Reseacher, Consultant, Project Analyst.

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